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Qu’est-ce que c’est, une école « démocratique » ?

Dans le monde, il existe une multitude d’exemples répondant à cette question. Les plus connus restent Summerhill (Angleterre) et Sudbury (États-Unis). En France, des écoles sont apparues sous l’appellation « démocratique » à partir de 2014 et, même si elles partagent globalement les mêmes intentions pédagogiques, leurs stratégies peuvent différer grandement pour les servir.

Ici, nous allons vous présenter un seul modèle, le nôtre, et vous permettre ainsi de voir, de sentir plus précisément ce que peut-être une école démocratique :

Des intentions

Notre parti-pris repose sur l’objectif de permettre aux élèves de devenir épanoui.es, autonomes et maître.sses de leurs choix, mais aussi outillé.es pour vivre leur vie d’adulte avec du sens et la capacité de continuer à apprendre, à évoluer. En ce sens, notre approche de l’autonomisation se veut essentiellement émancipatrice.

Elle vise à donner aux enfants d’aujourd’hui les clés pour évoluer demain en tant qu’adultes avec plus de clairvoyance, d’adaptabilité et de sécurité. L’enjeu de l’existence de notre école est donc d’offrir un autre possible, qui dépasse les blocages des institutions traditionnelles. Elle vise à faire vivre non-seulement un espace propice à la récupération de la confiance pour des élèves « cassés », mais aussi une formule pédagogique et éducative saine et efficiente qui permette aux jeunes de grandir avec justesse et sérénité.

Une stratégie

Nous estimons que le lien entre les accompagnants et les élèves est un enjeu fondamental pour tout enseignement. Les capacités du personnel encadrant à écouter, considérer, échanger et accompagner les apprenant.es forment la base du lien qui permet la relation adulte/enfant à l’école. Ce lien, contrairement à ce qu’applique l’Éducation Nationale, ne peut pas se résumer à un rapport de transmission à sens unique. Il doit avant tout former le ciment d’une relation de confiance permettant à l’enfant d’avancer en sécurité vers les apprentissages.

À l’école, c’est l’élève qui apprend, puisque personne ne peut le faire à sa place. Mais c’est tout l’enjeu de l’encadrant.e de lui donner les moyens de le faire. Tout cela passe par quatre étapes :

  1. Mettre en place et garantir la fiabilité d’un cadre sécure qui permette à l’apprenant.e de se mettre en situation d’apprentissage sans (trop de) perturbations. Les enfants sont animés par une curiosité et une soif d’apprendre potentiellement intarissable, mais pour y répondre, ils.elles ont avant tout besoin de confiance et de sécurité. Comment demander à un élève de libérer de l’espace mental pour apprendre quoi que ce soit quand il.elle reçoit des menaces de se faire taper dessus à la sortie ? Comment exiger qu’il.elle intègre une notion en lui imposant une limite de temps trop courte pour lui.elle, et qui se conclut par un examen « couperet » : réussi / raté ?

    Il existe mille manières d’entacher la confiance et le sentiment de sécurité d’un enfant. Ces perturbations peuvent venir d’un cadre ne tenant pas assez compte de ses besoins, de ses relations parfois toxiques, et aussi souvent de lui.elle-même lorsqu’une erreur abîme sa vision d’elle.lui-même. Il est donc nécessaire que le cadre et la posture de l’adulte protègent le plus efficacement possible les enfants de ces perturbations, qui peuvent provenir de plusieurs endroits à la fois.

    L’accompagnant.e reste indiscutablement garant.e de la sécurité physique et affective « immédiate » de chaque individu sous sa responsabilité. Aussi, il.elle doit être en mesure d’apporter de l’écoute et de la considération aux enfants, non-seulement pour être au fait de leurs besoins (qui évoluent), mais pour prendre soin du lien de confiance qui apporte aux jeunes la bouée à laquelle ils.elles savent qu’ils.elles peuvent s’accrocher lorsqu’il n’y a plus pied.

    Parallèlement, un soin attentif doit être porté au groupe en lui-même, en plus de chaque individu, pour installer une ambiance saine dans le collectif et permettre aux élèves de rester en capacité de contribuer à la régulation des conflits et des transgressions. Un cadre clair, pertinent et sécure offre aux enfants le pouvoir de s’approprier les outils, les instances qui leur permettront de trouver les solutions les plus appropriées à leurs problèmes, et souvent mieux que le feraient des adultes par elles.eux-mêmes.

  2. Permettre le développement de l’autonomie pour rendre plus solides, clairs et sécures les élans d’apprentissage des enfants. Dans la tâche d’enseignement, le rôle de l’accompagnant.e se résume, de fait, et exclusivement, à proposer des notions que l’apprenant.e intégrera ou non. Pour le dire autrement, on n’apprend pas quelque chose « à quelqu’un ». C’est toujours la personne qui apprend elle-même, pour elle-même. On parle ici d’un processus physiologique plutôt qu’une vision pédagogique. Nos technologies ne permettant pas à un organisme extérieur de stimuler mécaniquement les connexions neuronales d’un.e individu passif.ve à dessein, chaque personne ne peut donc apprendre que par elle-même.

    Dans ce cadre, le rôle de adulte se borne donc à aiguiller l’enfant pour l’aider à trouver ce qui est bon pour lui.elle, en l’accompagnant le long de ses erreurs et en lui épargnant de tomber dans des pièges qui mettraient (trop) à mal sa sécurité physique et psychologique.

    Selon notre vision, les adultes de l’école sont responsables d’accompagner chaque élève à l’autonomie grâce au soin du cadre posé, mais aussi de la posture adoptée. Pour le dire rapidement, on se retiendra de faire à leur place tout ce que les élèves sont capables de faire par eux.elles mêmes (dans la mesure où cela n’impliquerait pas de mise en danger réelle ou n’entraînerait pas de lacune importante pour son développement).

    Le plus souvent, la gymnastique mentale de l’accompagnant.e consiste à identifier les clauses en vigueur du contrat tacite passé avec chaque élève. Une fois chose faite, il s’agira d’en respecter les engagements, et de clarifier avec l’élève les siens pour lui offrir l’opportunité, en conscience, de faire le choix de les assumer ou non.

    Imaginons un cas pratique : Si l’élève A, passionnée de bricolage, vient me voir pour m’annoncer l’objectif de fabriquer une voiture en bois pour l’anniversaire de sa sœur qui a lieu demain, je vais l’encourager à maintenir ses efforts même si elle me dit qu’elle a « la flemme ». Je réponds ici à son objectif à elle. Il ne s’agit que de respecter les clauses d’un contrat tacite qui stipule : « je vais me lancer dans un projet qui me permettra de développer des compétences et me donnera confiance en (ou du moins m’éclairera sur) mes capacités, et toi, tu me fournis le cadre sécure qui me protège, tu m’aides si j’ai une question ou un besoin technique, et tu m’encourages si j’en ai besoin ». Évidemment, il existe autant de contrats que de situations et d’individualités, d’où l’enjeu de les identifier correctement pour éviter de tomber « à côté »…

    Selon la continuité logique de cette réflexion, c’est donc la responsabilité de l’enfant de prendre les dispositions nécessaires à son épanouissement personnel, une fois qu’il.elle a pris conscience des chemins qu’il serait juste d’emprunter. Chaque élève est responsable, au sein de l’école, de faire ce qu’il.elle estime sain et enrichissant pour lui.elle. en prenant compte des besoins des autres comme des siens. Les adultes auront alors ici pour rôle de les « guider » lorsqu’ils.elles sont perdu.es et de les aiguiller vers des expériences potentiellement bénéfiques dont les enfants, et personne d’autre à leur place, ne pourront en tirer les richesses.

  3. Permettre de trouver et de construire du sens. Sans une compréhension et un partage sincère de l’intérêt porté aux apprentissages proposés, l’investissement d’énergie pour apprendre devient immédiatement colossal et l’atteinte des objectifs irréaliste.

    Malheureusement, pour beaucoup d’élèves de par le monde, tout ou partie des années passées en classe amènent de l’ennui et de la souffrance. Comment tirer profit d’un investissement d’énergie dont on ne voit pas clairement quel bénéfice on pourrait en tirer ? Comment s’engager à fournir des efforts dans une discipline lorsqu’on y participe uniquement parce qu’on y est contraint.e ?

    L’adulte a comme rôle d’accompagner chaque élève en lui présentant des opportunités de saisir l’intérêt, sous quelques formes que ce soit, dans différentes disciplines. Cette manière de « goûter » différentes activités permet de renforcer des appétences déjà présentes, mais aussi d’identifier de nouveaux intérêts en construisant un sens nouveau. Chez l’élève, le rapport à l’apprentissage s’en trouve assaini et la confiance en ses aptitudes se renforce.

    Mais au-delà de son appétence pour des disciplines, l’apprenant.e peut aussi trouver du sens pour des méthodes, des approches. La responsabilité de l’accompagnant.e exige de rester disponible et ouvert.e aux élans des élèves pour leur proposer des manières d’apprendre qui soient cohérentes avec leurs besoins et leurs élans. Ces « chemins d’apprentissage » doivent faire sens pour que les apprenants entreprennent de les fouler avec détermination et persévérance, et ce sens leur appartient. L’accompagnant.e a donc ici comme rôle d’échanger avec l’apprenant.e pour construire avec lui.elle son projet d’apprentissage. L’enjeu est ici de saisir les objectifs de ce projet pour lui proposer des stratégies de mise en œuvre qui permettent de servir cette visée finale.

    Ici, c’est la capacité de l’élève de faire des choix qui lui permet non seulement de conformer ses objectifs à ses élans, mais aussi de les remplir avec le rythme et la manière les plus pertinent.es.

    Et c’est parfois ici que le bât blesse… Que faire lorsque les élèves n’arrivent pas à choisir ou n’ont pas d’objectif (autre qu’échanger des cartes Pokémon) ? Comment induire du sens alors qu’il ne peut venir que de l’intérieur ? Voilà tout l’enjeu du quatrième point.

  4. Rendre les ressources accessibles. Ou comment « donner envie » en présentant une ressource / activité de manière à faciliter l’« ingestion » de l’apprenant.e et l’accompagner avec justesse au long du processus de construction de ses représentations mentales ?

    C’est par une bonne présentation des ressources que les élèves expérimentent une réelle liberté d’organisation de leurs apprentissages et une capacité à choisir et moduler leurs méthodes et modalités de travail. D’une manière générale, l’économie d’investissement à fournir par les élèves pour ce qui concerne tout ce qui est « autour » de la compétence travaillée est un facteur primordial. Plus l’enfant devra produire d’efforts préparatoires pour, ensuite, se lancer dans son projet (qui est déjà coûteux) et plus sa détermination sera abîmée. Et du coup son attention puis son confort, et parfois sa confiance dans ses capacités pour atteinte son objectif. Où trouver la motivation dans ce cas ?

    En complément du cadre temporel et des objectifs individuels, l’aménagement de l’espace y joue un rôle essentiel. La clarté des consignes permet d’identifier les objectifs et économise l’énergie investie. Ce qui est propre et beau attire le regard et fait envie. Ce qui est ordonné amène de la clarté et permet la projection et l’organisation. Ce qui est rangé… se retrouve !

Des pratiques

Liberté et démocratie : des outils…

La liberté de choix et l’expérimentation d’une vie de groupe démocratique sont pour nous des outils précieux. Ils répondent aux attentes des quatre points précédent, et permettent non-seulement de développer avec une force extraordinaire des savoir-êtres liés au vivre-ensemble, à la connaissance de soi, mais apportent également une meilleure appréhension du rapport au savoir et aux apprentissages.

…mais pas des dogmes !

Puisqu’elle sert avant tout les besoins des élèves, l’intention pédagogique de notre école n’est pas, avant toute chose, d’aller vers un « maximum » de liberté, en l’identifiant comme un totem. Elle n’est pas non-plus d’égaliser de manière absolue, « quoiqu’il en coûte », les responsabilités et le pouvoir entre chaque membre adulte comme enfant. (Re)trouver le respect dû aux enfants et leur permettre de vivre une vie saine et fructueuse ne peut pas se résumer à faire porter arbitrairement sur elles.eux le poids des responsabilités qui nous incombent et leur confier un pouvoir dont ils n’ont pas les capacités de contrôle.

Notre parti-pris est de faire vivre à l’école la liberté et la démocratie à bon escient, c’est à dire en conscience de leurs travers et des bienfaits qu’elles peuvent apporter. En conscience, donc, par rapport à une réflexion d’équipe éprouvée par l’expérience, mais aussi par rapport à un travail continuel de conscientisation et d’échange avec chaque membre de l’école. C’est au travers d’animations spécifiques et d’instances de décision que ces concepts sont travaillés et affinés en groupe pour permettre au collectif d’en saisir les enjeux et de dessiner leurs contours pour permettre à tous et toutes d’en tirer les bienfaits à juste titre. Aussi précieux soient-ils, ils ne peuvent donc pas être identifiés à des valeurs en soi.

Un cadre pour apprendre la liberté…

Nos ressources monétaires sont limitées, comme notre énergie. Nous sommes encadré.es par des lois et répondons tous et toutes à l’école à l’exigence des besoins de chacun.e. La liberté n’est donc pas totale chez-nous, comme elle ne l’est nulle part, d’ailleurs. Et nous l’assumons en conscience avec les enfants, pour construire sainement et solidementdes espaces à partir d’un état de fait tenant compte de nos contraintes et des objectifs pédagogiques de notre projet. De fait, par une grande capacité de choix, de partage et d’expression, les élèves trouvent l’espace au sein du cadre pour exercer authentiquement leur libre-arbitre en jouissant des privilèges de leurs libertés tout en assumant les conséquences de leurs engagements non-tenus.

La priorité pour nous reste de permettre aux élèves de se sentir bien, aujourd’hui et plus tard, dans leurs apprentissages, leur rapport à elles.eux-mêmes et au monde. Pour ce faire, il est nécessaire de protéger leurs élans et de leur garantir autant que possible la sécurité et le respect des rythmes dont elles.ils ont besoin. Aussi, leur épanouissement passe par l’expérience : dans leurs apprentissages formels comme dans ceux du quotidien ou leurs relations avec leur pairs, l’échec / réussite, la persévérance / abandon donnent des clés pour mieux se connaître et se munir de compétences nouvelles, précieuses à leur accomplissement.

Comme l’exige la loi, nous garantissons les moyens d’acquérir les bases de connaissances, de compétences et de culture du socle commun. Chaque élève utilise ses ressources pour apprendre à s’organiser et « goûter » dans un accord équilibré entre les attentes du cadre et ses besoins, ses élans et ses rythmes d’apprentissage.

…et trouver sa place.

Les enfants ne doivent pas porter trop, mais doivent porter assez pour se trouver et grandir.

Assumer une responsabilité au sein du collectif (animer une instance, réaliser une tâche de ménage, proposer une activité, arbitrer un match…) demande des efforts, mais c’est par là que chacun.e trouve son rôle, sa place et vit sa scolarité de la manière qui lui convient le mieux. Tous les élèves prennent des responsabilités d’une manière qui leur convienne à elles.eux et au groupe, et puisque cette part du contrat est remplie, ils.elles bénéficient de larges marges de manœuvre pour organiser leurs apprentissages et leur quotidien. En somme, pour jouir d’un degré important de liberté, les enfants s’engagent au respect des contraintes que la liberté potentielle des autres impose, et cette liberté d’initiative servira chaque individu autant que le groupe. Ils.elles bénéficient alors de l’émulsion proposée par les nombreuses activités des camarades qui inspirent, pour partager ou apporter elles.eux-mêmes leurs élans et les partager avec les autres. C’est ici que chacun.e prend des rôles, découvre ses appétences et construit sa vision du monde dans le respect de son individualité. Tout l’enjeu de cette contrepartie est de trouver un équilibre juste entre les besoins d’épanouissement de l’individu et les besoins de fonctionnement du groupe.

La responsabilité pèse, mais la liberté n’existe pas sans elle. C’est pourquoi nous travaillons autour du sens profond du concept en posant un cadre restreint, soit, mais au sein duquel la liberté, la responsabilité et le respect sont réellement éprouvé.es.

Pour ce faire, nos élèves ont toutes et tous, de manière inconditionnelle, une voix, des choix et des responsabilités :

  • Une voix à l’Ecclesia (notre instance de décision) comme dans le quotidien, pour revendiquer, débattre, décider, contester ou, bien sûr, complimenter.
  • Des choix dans les apprentissages, autour des méthodes, des disciplines et des objectifs à mettre en place. La marge de manœuvre des élèves est essentielle pour garantir une progression respectueuse des rythmes d’apprentissage, des besoins et des aptitudes de chacun.e
  • Des responsabilités, puisqu’un engagement de toutes et tous dans le soin du groupe, du cadre et du matériel en commun est nécessaire pour permettre à tout groupe humain de cohabiter sainement. L’EDT tend à protéger ces principes, qui forment les piliers de notre fondement pédagogique.

Embarquée dans d’autres mondes…

La période de confinement a été l’occasion de me plonger avec délices dans des romans. Je suis en train de découvrir la science-fiction et ça me parle plutôt pas mal ! Laissez-moi vous présenter les deux ouvrages qui m’ont accompagné ces dernières semaines…

Le premier m’a plongé au cœur d’une société de la surveillance, de la technologie manipulatrice. Une société qui organise le dépérissement de nos élans de vie, de nos pulsions, de nos désirs, de nos libertés. Damasio réfléchit à l’intériorisation des normes, du contrôle de soi par soi. À l’acceptation du jugement, du classement de chaque personne par rapport aux autres. Les enfants, dans son livre, sont une bouffée d’oxygène.

Devenir libre est une maladie […]. C’était cela qui me rassurait quand je voyais les enfants courir dans les villages. Ils étaient déjà atteints, ils étaient tous malades, gangrenés de liberté…

La Zone du Dehors, Alain Damasio

J’ai apprécié de voir se dessiner sous forme d’images, de tableaux les conséquences sociales des structures d’évaluation. Dans ce livre, ce qui est trop souvent le quotidien des enfants scolarisés (les notes, la compétition scolaire, l’évaluation du comportement) s’étend à tout le monde du travail et même à la sphère familiale. Le résultat est effrayant…

Le second livre est beaucoup plus enthousiasmant 🙂 C’est une anticipation de comment on pourrait organiser la société autrement, en repensant les règles du jeu économiques et sociales. C’est très réaliste, ça donne envie.

J’ai adoré partir en exploration de cette société misarchiste. Je crois que c’est la première fois que j’arrive à imaginer le fonctionnement global d’une autre société. C’est très satisfaisant de cohérence entre les valeurs et principes énoncés et l’organisation des différents services collectifs : travail, impôt, habitat, propriété, santé, justice, tout y passe. L’éducation aussi, forcément. Je ne résiste pas à vous partager cet extrait (délicieux) qui parle de leur système éducatif 🙂

– C’est quoi ton niveau scolaire, mon petit ?

– Je suis quarante-trois et j’ai le niveau un des fondamentaux.

C’est à mon tour d’ouvrir de grands yeux. Il m’explique :

– Je suis déjà niveau dix en cuisine, neuf en hôtellerie et douze en mathématiques ! Pas mal, n’est-ce pas ?

– Je… Je ne sais pas ce que ça veut dire. Chez moi, on ne compte pas comme ça.

– En moyenne, on atteint dix dans une matière à dix-huit ans. Enfin, c’est ce qu’on dit. Évidemment, c’est une moyenne.

[…]

Je lui explique le système des pays occidentaux, avec des études organisées par année, et non par niveau et par matière. Il trouve que c’est débile, si quelqu’un aime les maths ou la cuisine, il doit pouvoir progresser à fond dans ces matières. Et il ne voit pas pourquoi on l’empêcherait de passer au niveau supérieur, sous prétexte qu’il n’aime pas d’autres matières, ou qu’il s’en fout, ou qu’il y est nul. Et, en plus, en creusant tout de suite un truc, on peut trouver un meilleur travail et gagner plus. Ainsi, lui, avec son niveau d’hôtellerie, il ne s’en sort pas mal. Ce qui n’empêche pas de continuer sur le reste. De toute manière, il m’explique que les études sont obligatoires jusqu’à vingt-cinq ans. Et, plus tard, lui, il voudrait devenir un grand pâtissier. Il me dit que, les niveaux, ça se gagne lors de grands examens organisés dans tout le pays et qu’on peut très bien en passer plusieurs par an. Et que, d’ailleurs, son professeur de mathématiques est niveau trente dans sa matière, que c’est le maximum et qu’il n’a que dix-sept ans.

[…]

– Et puis je suis aussi six en cosdep ! Ajoute Joshuah, en m’extirpant de mes pensées.

– Cosdep ?

– Oui, c’est nul comme titre, mais rigolo comme cours ; en plus onest souvent seul face au prof : il n’y a pas de notes et plein d’exercices pratiques. J’aime bien.

– Qu’est-ce que c’est ?

– C’est « connaissance de soi et développement des plaisirs ». C’est obligatoire d’en suivre au moins trois modules, une fois vers les dix-sept ans, l’autres les douze-quatorze ans, et le troisième, vers les vingt-cinq ans. Mais il y en a qui sont accros et qui le suivent toute leur vie.

– Vous étudiez ce genre de trucs à l’école ?

– Ben oui, pas vous ?

– Évidemment, si ça peut permettre aux gens de rechercher ce qui leur plaît avant d’avoir atteint l’âge de la retraite, reconnais-je.

– Si ça vous dit, vous pourriez venir en suivre à mon école. On a quelques vieux dans tous les cours. D’ailleurs, pour les vieux de plus de quarante ans, c’est toujours bien de repasser un petit cours de cosdep.

– Je ne vais plus à l’école depuis longtemps, tu sais.

– Ha bon ?

– Je suis professeur, dis-je, j’ai fini mes études il y a longtemps.

– Complètement fini ?

– Oui, cela ne me sert plus à rien. J’ai déjà un doctorat ; c’est le niveau d’étude maximum chez nous.

– Chez nous aussi, il y a des vieux qui arrêtent. Mais c’est rare qu’ils arrêtent complètement. Ils gardent au moins deux-trois heures par semaine. Il paraît que, quand on arrête, le cerveau se rabougrit.

Voyage en Misarchie, Emmanuel Dockès

J’espère que vous avez savouré ce petit passage autant que moi.. Quand je l’ai lu, ça m’a fait « whaou, c’est bon d’imaginer ce que ça pourrait donner si toute l’organisation du système éducatif était basée sur les choix des apprenant·e·s! » Ça m’a reconnectée avec certains grands rêves qui sont derrière notre projet.. Je vous prépare un autre article sur le sujet… 🙂

Voilà, donc, vous l’avez compris, je vous recommande chaudement la lecture de ces deux livres et je vous souhaite d’en ressortir aussi inspiré·e que moi !

Être facilitateur d’apprentissage en confinement… Comment ça marche ?

Presque deux semaines depuis le début de la crise. Pas facile de rester en contact avec le collectif qu’on fait vivre depuis presque un an ! Nous voilà tous · tes bloqués chez-nous alors que la nouvelle circulaire ministérielle demande le « maintien du contact humain entre les élèves et les professeurs »…

À vrai dire, je me demande comment les écoles publiques s’en sortent, mais je vois aussi à l’École Démocratique du Tarn un boulevard pour inventer, innover, créer de nouveaux rapports enfants / adultes qui présentent encore une fois la relation éducative sous un nouveau jour.

Alors on relance la machine !

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Même sans école, la lecture continue…

À l’École Démocratique du Tarn, on aime les lectures à voix haute.. Au début, c’était surtout les plus jeunes. Mais petit à petit, on gagne de l’auditoire.. 🙂

Il y a quelques jours, avec A, E et M, on a commencé un livre assez haletant… 🙂 Comme partout en France, l’école ferme et avec elle la possibilité de connaître la suite ! Alors je me suis enregistrée pour en finir avec ce suspense insoutenable 😉

couverture du livre

[J-15] Prêt·e·s ? Feu… Partez !

À 2 semaines de l’ouverture tant attendue, j’ai l’élan de (re)commencer à écrire et l’envie de prendre l’habitude de poser des mots sur les étapes de cette aventure… 🙂

Nos questionnements du moment tour de « avec quoi commencer » ? Quelles règles, quelle organisation, quelles institutions ? Qu’est-ce qui permettra de créer un cadre de départ sécurisant, accueillant, de donner une impulsion ou au contraire qu’est-ce qui serait de trop, superflu, qui pourrait freiner l’appropriation de l’école par les jeunes membres qui vont arriver dans 15 jours ?

Nous savons qu’une école démocratique est par nature une structure vivante, mouvante puisque sa forme est sans cesse sculptée par le collectif, au gré de ses besoins. Avant le 20 mai, le collectif, c’est nous. Nous avons fait le tour de nos besoins, à nous porteuses de projet, pour entrer dans cette aventure avec sérénité : voici notre base de départ 🙂

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Il est temps de dire à nos enfants que ce n’est pas le lieu où ils étudieront qui est important

Cette semaine, Katel a traduit un article publié dans Time.com, ici , écrit par l’américain William Strixrud, qui a co-écrit The Self-Driven Child: The Science and Sense of Giving Your Kids More Control Over Their Lives avec Ned Johnson. Bonne lecture !

Lorsque ma fille Jora était au collège, elle assista à une de mes conférences sur le cerveau adolescent pendant laquelle j’ai précisé que les notes au collège n’étaient pas de bons indicateurs de succès futurs. Sur le chemin de retour à la maison elle m’a dit, ‘Super ta conférence papa, mais je doute ce que tu as dit à propos des notes.’ Je l’ai assuré que j’y croyais. Afin de lui prouver je proposa de lui payer 100$ si elle obtenait un ‘C’ dans son prochain bulletin scolaire – pour n’importe qu’elle matière.

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Récit de l’Assemblée Générale

Dimanche 1er avril c’était notre assemblée générale. On s’était préparé au mauvais temps, comme le voulaient les prévisions, mais en ce jour propice aux blagues, la météo nous a donné un grand soleil ! Grâce à elle nous avons pu terminer notre après-midi dans la parc de Gaillac à chercher des œufs en bois égarés par ci par là pour les échanger contre des vrais œufs en chocolat qui avaient meilleur goût.

Mais avant tout ça il s’en est passé des choses ! Un repas partagé délicieux, une séance de massage animée par Marie, un moment en chanson accompagné de Marine et nous voilà fin prêt.e pour le début de la réunion plus formelle.

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Les propositions de la nature

Bonjour !

J’ai récemment écouté des conférences qui m’ont interpellé sur la question de notre place dans la nature et de notre capacité à s’harmoniser avec son rythme, avec ses saisons. Alors aujourd’hui, j’avais envie de vous parler de la place centrale de la nature dans notre projet d’école.

En tant qu’école, nous visons l’organisation d’un environnement favorable pour apprendre et entreprendre, pour explorer et créer, pour (se) connaître, (se) développer…  et devenir la personne qu’on a envie d’être. Et si la nature était un des ingrédients fondamentaux de cet environnement ?

Quand on discute avec quelqu’un.e qui découvre notre projet, on échappe rarement à cette fameuse question : « Si vous ne proposez pas de cours ou d’ateliers, comment les enfants vont-ils découvrir de nouvelles choses, comment vont-ils s’ouvrir au monde? » J’ai de multiples réponses mais celle que j’ai envie de vous apporter dans cet article se centrera sur quelques propositions que la nature a à nous faire… 🙂

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Une école de « l’intériorité citoyenne » ?

De passage à la médiathèque, je tombe sur un livre de Thomas D’Ansembourg qui m’interpelle. J’avais déjà lu « Cessez d’être gentil, soyez vrai ! » et j’avais apprécié ce bouquin rempli d’exemples concrets et de réflexions fines sur la Communication NonViolente.

Le livre que je découvre s’intitule Du JE au NOUS, l’intériorité citoyenne, le meilleur de soi
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